La vengeance de Lily

C’était il y a très exactement deux ans, sept mois et vingt-sept jours. Le drame avait eu lieu dans le petit salon de l’appartement. Il faisait bon ce jour-là et Lily se souvenait encore du crépitement des rayons du soleil sur sa peau, tandis qu’elle revenait avec hâte de la boulangerie. Elle y avait sélectionné sept pâtisseries : à la crème pour le dimanche, aux fruits de la passion pour le mardi, au chocolat noir pour le jeudi,… Tout, tout avait été calculé pour que chaque jour de sa semaine à venir soit sublimé par une douceur adéquate.

La pauvre ne s’était absentée que quelques minutes à peine, le temps d’enfiler des gants de soie plus appropriés que ses mains nues pour traiter ses bijoux de sucre, mais cela suffit : son absence fut fatale aux pâtisseries du mercredi, jeudi et samedi, impitoyablement dévorées par Léon, le colocataire de Lily.

Elle en pleura, malgré les excuses pourtant sincères du garçon. Par la suite elle ne lui en reparla plus et il crut alors que tout était pardonné. C’était bien mal connaître la jeune fille.

Elle trouva enfin l’occasion de se venger lorsque quelques années plus tard elle reçut une invitation au mariage de son ancien camarade de chambre.
Elle avait alors préparé son estomac pendant des mois, ingurgitant des litres d’eau chaque jour ou encore en habituant son auguste ventre à l’ingestion massive de cochonneries sucrées.

Le jour J, elle se faufila dans les cuisines et les invités la cherchèrent des heures durant, jusqu’à ce que Léon se remémore le terrible événement de la coloc.

Il sut alors immédiatement où la trouver et ordonna qu’on aille au réfrigérateur contenant le gâteau de mariage. À l’intérieur on dénicha une petite Lily endormie, repue et vengée.

La Logorrhée
Juin 2020
Thème de l’atelier : la vengeance